Urbanisme – précisions utiles sur la notion d’équipement propre

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a affiné sa jurisprudence sur la notion d’équipement propre, qui permet de faire participer financièrement le pétitionnaire du permis de construire pour la réalisation de certains équipements.

La réalisation d’un projet de construction peut parfois nécessiter des aménagements supplémentaires comme l’agrandissement de la voirie ou l’extension de réseaux publics. Sur qui repose alors le financement de ces travaux accessoires mais indispensables au projet de construction ? La loi a prévu différents dispositifs qui permettent de faire reposer le financement de ces ouvrages sur le pétitionnaire du permis : la participation pour équipements publics exceptionnels et la participation pour équipements propres. C’est ce second dispositif qui fait l’objet de l’arrêt commenté.

Par arrêté du 9 février 2015, le maire de Martignas-sur-Jalles a délivré à la société Les Hauts de Martignas un permis de construire un ensemble immobilier de 80 logements, permis qui a ensuite été transféré la société Ranchère. Cette dernière a demandé le remboursement d’une somme de 640 870,73 euros mise à sa charge, correspondant au coût des travaux de réalisation d’une voie de circulation, au motif que ces travaux ne constituaient pas des équipements propres mais des équipements publics classiques. Les juges du fond (TA et CAA de Bordeaux) ont rejeté cette demande au motif que la voie créée ne desservira que les constructions prévues par le permis. La société Ranchère a donc formé un pourvoi en cassation.

L’article L. 332-15 du code de l’urbanisme prévoit en substance que l’autorité compétente pour la délivrance de l’autorisation d’urbanisme peut exiger du pétitionnaire qu’il participe financièrement aux équipements propres à son projet de construction.

Toute la question est de savoir qu’est-ce qu’un équipement propre ? Loin d’être une question théorique, la qualification d’équipement propre a des incidences pratiques et notamment financières importantes (en témoigne la somme contestée qui s’élève à plus de 640 000 euros). Dans un contexte de contrainte budgétaire des collectivités, il est opportun pour elles de maitriser de telles notions et de faire usage de tels dispositifs sans pour autant en abuser.

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord qu’un équipement n’est considéré comme propre que dès lors que les travaux accessoires au projet sont exclusivement dédiés à celui-ci. Par suite ne peuvent être considérés comme propres des équipements qui excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés du projet de construction. Cette solution avait déjà été dégagée ultérieurement (CE, 17 mai 2013, Sté Isère Développement Environnement n°337120). Il a par exemple été jugé que des travaux d’installation d’une station de relèvement des eaux usées étaient propres au projet mais pas la création d’une voie d’accès dès lors qu’elle était affectée à la circulation générale (CE, Sect. 18 mars 1983, Plunian, n°34130).

L’apport de l’arrêt réside toutefois dans la précision apportée par les juges du Palais-Royal : lorsque la collectivité publique compétente en matière d’urbanisme prévoit, notamment dans le document d’urbanisme, de créer des équipements publics qui seront affectés à des besoins excédant ceux du projet de construction, ils ne peuvent pas avoir la qualification d’équipement propre. Par conséquent, dès lors que la collectivité a identifié au sein de son plan local d’urbanisme un besoin en équipement public, il ne pourra pas être considéré comme propre.

En l’espèce, le Conseil relève que la voie de circulation avait été identifiée dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du PLU comme une voie stratégique primaire et structurante. Peu importe alors, comme l’avait jugé la CAA de Bordeaux, que la voie en cause desservait uniquement les constructions prévues par le permis de construire, car celle-ci était identifiée comme stratégique par le PLU. Il appartenait ainsi aux juges du fond de tenir compte de la destination affectée à cette voie par le document d’urbanisme. En d’autres termes, l’intention des auteurs du document d’urbanisme doit nécessairement être pris en compte pour qualifier l’équipement de propre ou non. L’arrêt de la Cour est donc cassé et l’affaire renvoyée à celle-ci. La société devrait alors pouvoir obtenir le remboursement des sommes mises à sa charge dans le cadre de l’instance renvoyée à la CAA de Bordeaux.

Précisons, à toutes fins utiles, que la contestation de ces participations financières ne remet pas en cause la légalité du permis de construire : en effet, ces aspects financiers sont bien divisibles de l’autorisation d’urbanisme (CE, Sect., 4 février 2000, Etablissement public pour l’aménagement de la région de la Défense, n°202981).

Références : CE, 30 décembre 2021, Sté Ranchère, n°438832